L’imaginaire
La reine du temps
La reine avance
Souveraine
Chacun de ses pas
Engendre le temps
La traîne
De sa robe couleur de ciel
S’est usée aux chemins du passé
Son pied chaussé de satin
Repousse obstinément
Le futur en avant
Sous l’étoffe précieuse
A l’amble de son enjambée
Explose
Le flamboiement du présent
En ce lieu toujours mouvant
En ce lieu seulement
Peut s’ouvrir
La faille de l’éternité
De l’autre côté
De l’autre côté de la terre
Du côté où coule
Une autre lumière
Que se passe-t-il
Les dieux ici se dévoilent-ils
Le vent du Pacifique
Balaie les arcs souples des palmiers
Chaque battement de leur feuillage aigu
Découpe l’horizon
En fragments d’éternité
Qui me sont tour à tour
Offerts puis dérobés
A l’obscur de la nuit
A l’obscur de la nuit
Je dénoue le rectangle de mon lit
Le vent m’emporte par la fenêtre
Jusque là-bas
Au flanc de la montagne
Je sombre lentement
Au ventre des mélèzes
Leurs rameaux soyeux au passage
Me lustrent de suc sauvage
Mi-femme mi-végétal
Je nage longuement
Entre leurs troncs sombres et rugueux
Baignant dans leur silence
De début du monde
Je rêve
Je rêve
Je rêve de pentes herbeuses
Je rêve d’un vallon silencieux
Au creux duquel chemine
Dans toute sa gloire
Un cortège de bêtes très sauvages
Deux lynx aux oreilles pointues ouvrent la marche
Puis lièvres et renards
Biches et marcassins
Un cerf aux bois dressés
Poursuivi par le loup
Et la cohorte enfin des invisibles
De ce flot ardent un jour
S’est détaché un ocelot
Il s’est tourné vers moi
Il s’est approché
Son pelage bruissait de lumière
Ses yeux d’or ont déversé dans les miens
Des vagues d’histoires puissantes
Que j’ai bues tête renversée
En lentes gorgées
Des vies entières se sont alors écoulées
Et c’était l’éternité